Si vous voulez que les choses soient différentes,
la solution est peut-être de devenir différent vous-même.
Norman Vincent Peale
Je les avais remarqués sans y avoir vraiment réfléchi. Tous ces arcs-en-ciel dans les fenêtres des maisons, accompagnés ou non de « Ça va bien aller ». Je n’y avais pas trop porté attention jusqu’à ce que je tombe sur un T-shirt, avec le même dessin et la même mention. Maintenant, je les voyais partout, dans presque toutes les fenêtres ainsi que dans les rues, dessinés à la craie par des enfants, et même sur un camion.
Pourquoi ? La pandémie offrait bien une explication de circonstance, mais pourquoi ce besoin de rassurer ? De se rassurer. De rassurer les autres. « Ne vous en faites pas, ça va bien aller ! » Et à quel moment la pratique s’était-elle répandue ?
Cette explication, je la trouvai en lisant sur « Le paradoxe Stockdale », que je ne connaissais pas jusqu’à tout récemment. On y découvre que ce concept vient de James Stockdale, ancien candidat à la vice-présidence aux USA, officier naval et prisonnier de guerre au Vietnam.
Emprisonné et torturé à répétition durant 7 ans, ce militaire avait tenu le coup et aidé ses hommes à faire de même en conservant un équilibre entre réalisme et optimisme. Il leur répétait qu’ils devaient accepter la difficulté de la situation, mais tout en demeurant confiants d’en voir la fin. De regarder la réalité bien en face tout en se disant : « Ça va bien aller ». Il ne s’agissait pas de se réfugier dans un optimisme naïf, prétendant que tout allait bien, genre « Tout va pour le mieux » du Candide de Voltaire, mais de plutôt reconnaitre que « tout ne va pas pour le mieux », avec la nuance « en ce moment », gardant confiance que ça ne durerait pas.
Sans exception, tous les soldats qui ont suivi ses conseils s’en sont sortis. Ceux qui avaient perdu cette foi sont tous morts, ne voyant aucune fin à leur tourment.
Je pense que ces arcs-en-ciel des fenêtres sont issus de ce besoin d’espoir. Mais surtout de le nourrir, constamment, car, comme le feu qui s’éteint s’il n’est pas entretenu, l’espoir est instable et risque de s’éteindre et faire place à la résignation ou pire encore, au découragement.
Ce « Ça va bien aller » de l’arc-en-ciel est très semblable à ce que j’entendais souvent lors de cette première retraite de méditation Vipassana, effectuée voilà 10 ans. Reconnaissant l’immense difficulté que nous avions à contrôler notre esprit, et pour nous protéger du « Je n’y arriverai jamais », l’instructeur nous répétait souvent : « Soyez patients et persévérez ! Vous êtes sûrs de gagner ! »
Ces paroles se sont surtout révélées indispensables lors des séances de « ferme détermination », au cours desquelles on nous demandait (dans la mesure du possible) de ne pas modifier notre posture, même si ça devenait très inconfortable ou carrément douloureux.
Le capitaine Stockdale était-il un méditant Vipassana ? Je ne sais pas. Mais il avait compris et appliqué cette méthode du Bouddha : reconnaitre toute situation (ex. sensation physique déplaisante) de manière objective, et ne pas réagir. Observer simplement ce qui se passe, calmement, sans rien en dire. Pas facile à faire, mais, avec du temps, de la patience et de la persévérance, l’esprit finit par se taire et laisser la douleur être. De cette manière, même si la douleur persiste, la souffrance, elle, s’évanouit.
C’est avec ces disparitions à répétition que l’on arrive à comprendre la loi fondamentale qui gouverne toute existence : le changement. Tout finit par disparaitre, immédiatement remplacé par quelque chose d’autre.
Dans ces rares moments de calme où j’étais témoin de l’effet de cette loi, la douleur cessait immédiatement d’être une souffrance et redevenait une simple sensation physique désagréable. Une sensation normale. Bien sûr, ces moments de sagesse étaient rares et brefs, cette sagesse étant loin d’être acquise. Je n’en étais qu’à mes débuts quand même, et la technique est longue à maitriser.
J’y travaille encore, dix ans après.
La répétition patiente de ces exercices Vipassana produisait des moments de sagesse paisible, et fit naitre cette confiance que je pourrais éventuellement, passer à travers toute difficulté, fut-elle présente ou à venir.
J’ai surtout compris qu’entre le « Ça va bien aller » de l’arc-en-ciel des fenêtres et cette confiance développée par la pratique, il y a une différence importante : l’une est une confiance passive, et l’autre, une confiance active.
Pour moi, la confiance passive est celle qui nous fait espérer et ATTENDRE que les circonstances changent, tandis que la confiance active est celle de l’ardeur que l’on met à SE changer soi-même qui transformera les circonstances.
Bien sûr, pour ce qui est de la situation du coronavirus, me changer moi-même ne va pas mettre fin au confinement, mais plutôt transformer ma manière de le voir.
J’ai compris que cette confiance, née d’un travail assidu, est un pouvoir énorme, car elle s’accentue peu à peu, et me fait croire le Bouddha lorsqu’il dit que nous avons déjà en soi la capacité d’arriver à un état de paix absolue et incorruptible, peu importe les circonstances. Reste juste à la nourrir, cette capacité. À la cultiver.
Devant autant de bienfaits que je ne cesse de récolter jour après jour, je m’émerveille de voir cette confiance grandir et se transformer petit à petit en foi. Ce sentiment de savoir hors de tout doute que je vais arriver à cette paix absolue et incorruptible. Petit à petit, je tiens à préciser.
J’en vois déjà les effets, car cette situation de confinement ne me dérange pas du tout, et ça pourrait continuer sans que ça me cause la moindre difficulté… cela dit sans prétention. C’est comme ça.
Il ne faut surtout pas lire dans ces lignes une sorte d’indifférence envers les problèmes des autres, bien au contraire. Je suis réellement touché par la souffrance de ceux et celles qui n’en peuvent plus de ce confinement, désespérés de le voir s’éterniser. Je ressens bien leur souffrance, et leur souhaite d’y mettre fin le plus rapidement possible.
C’est sans doute pour ça que j’ai créé ce blog, voilà bientôt 6 ans, une sorte de témoignage personnel à l’intention de ceux et celles chez qui s’est perdue cette confiance en leurs propres moyens, afin qu’ils sachent que c’est possible de la retrouver.
C’est l’arc-en-ciel dans ma fenêtre. Mon « Ça va bien aller ».
L’illustration provient de Freepik.com – brgfx
Très bel article résolument optimiste qui met l’emphase sur notre capacité, voire habileté à composer avec une réalité pour le moins contraignante. Sachons faire de mauvaise fortune, bon coeur et puiser en nous-même toute la résilience illustrée par un simple arc-en ciel si évocateur. Chacune de ses couleurs constitue une source tangible d’enCOURAGEment qu’il serait bon d’apprécier et d’utiliser à bon escient pour mieux voir la vie en rose.
Merci Pierre!
Content que tu aies apprécié l’article, Serge. J’ajouterai que cette forme de méditation, et la transformation personnelle qu’elle engendre me fait maintenant voir toute « mauvaise fortune » comme saprée chance.
Merci encore,
Pierre
Très beau parallèle avec cet arc-en-ciel omniprésent depuis cette pandémie qui nous affecte. L’espoir et la bienveillance au rendez-vous.
Je suis toujours étonnée de constater que les choses arrivent au bon moment, qu’il n’y a pas de hasard. Tout simplement, l’ouverture est là et les mots font leur chemin pour une plus grande conscience et un mieux-être tant espéré.
Merci encore pour ce partage.
Dominique
Pas de hasard. Tout à fait d’accord avec toi, Dominique.
Merci à toi pour ton beau commentaire!
J’aime bien me rappeler ce blog quand je sens que je suis en train de me faire dépasser par les situations de la vie quotidienne. « Ah tiens, de la colère, ah tiens de la fébrilité, flûte faut tout faire en même temps… » Surtout avec des enfants encore jeunes. Grâce à des pratiques de méditation et à tes articles, j’arrive bien mieux à gérer.
J’ai remarqué aussi que je sais de plus en plus me dire que « ça va passer, comme tout », et j’arrive de plus en plus facilement à m’abstenir de réagir.
Mais bien sûr il y a encore du boulot…
En se branchant sur cette loi fondamentale de la nature qu’est le changement, on ne peut pas se tromper. Mais comme tu le dis: « il y a du boulot ».
Merci, Eric.
On a en nous-mêmes la force et la confiance suffisantes pour passer à travers cette réalité, ça sortira le meilleur de nous.
Merci pour le beau partage Pierre!
Le problème c’est qu’on ne sait pas qu’on a cette force en nous, qui fait qu’on peut tout affronter. J’aime bien ton « ça sortira le meilleur de nous ».
Merci, Trudy.
Très intéressant. J’aime beaucoup ce rapprochement avec l’expérience du capitaine Stockdale. Concret, de notre temps, une référence facile à retenir. Merci pour ce blog.
Ce n’est que récemment que j’ai découvert à quel point la confiance est un puissant motivateur pour la régularité dans la méditation. Et que la confiance augmente avec les bienfaits.
Merci, Louis.