Je n’aurais pas dû (2)

« Pardonnez-leur! Ils ne savent pas ce qu’ils font! » (Jésus)

Dans l’article précédent (Je n’aurais pas dû (1)), j’écrivais comment j’avais réalisé que, malgré toute ma bonne volonté, j’arrivais difficilement à contrôler mon esprit, et que cette absence de contrôle a toujours été à l’origine de la multitude de paroles ou de gestes que j’ai par la suite regrettés. La leçon était pénible à accepter, car, sans doute comme plusieurs d’entre nous, je me faisais une image flatteuse de ma capacité à maitriser mon esprit et mes pensées.

Image trompeuse, cependant, si on demande leur opinion à ceux et à celles que j’ai pu offenser ou blesser.

Mais cette leçon n’était que la première, le plus dur pour l’ego restant à venir.

Face à l’impitoyable miroir qu’est Vipassana, je réalisai que, non seulement je ne contrôlais pas mon propre esprit, mais je ne m’en rendais même pas compte. Misère ?

(Depuis quelques années, la science fait état de cette « défectuosité » du cerveau humain, allant jusqu’à remettre en question l’existence même du libre arbitre. Tout ce que nous faisons, disons ou même pensons serait télécommandé par l’inconscient, et nous ne ferions qu’exécuter des ordres. L’impression que nous avons d’être « celui ou celle qui décide » est justement ça : une impression. Nous agissons sans être conscients de ce que nous faisons.)

Et c’est ce que j’ai réalisé à force d’observer attentivement ce qui se passe. Pour vraiment reconnaitre la vérité de ce « Nous agissons sans être conscients de ce que nous faisons », il fallait en faire l’expérience directe. Nul besoin que quelqu’un d’autre me le dise ou que je le lise dans des bouquins : à l’aide du puissant microscope que nous offre Vipassana, je le découvrais par moi-même.

Ainsi, lorsque nous parcourons la surface du corps pour en observer les différentes sensations qui s’y manifestent, nous réalisons que ce parcours se fait, au début, sans même que nous nous en rendions compte. J’arrive, par exemple, à l’épaule gauche et, soudainement, je réalise que je suis rendu au genou droit.

Eh oui, vous l’aurez deviné. La cage à hamster s’était mise à tourner. Pendant que j’étais distrait par mes souvenirs, mes espoirs et mes peurs, une partie de mon esprit continuait à parcourir la surface du corps… en mon absence. La machine marchait toute seule. J’étais sur le pilote automatique.

Tout ça peut paraitre bien déprimant, mais c’est en réalité une bonne chose. En effet, avant de pouvoir corriger une erreur, il faut d’abord voir l’erreur en question. J’avais, plus souvent qu’autrement, fonctionné comme un pantin ou un robot, réagissant aveuglément à ce qui se manifestait à ma conscience. Mais là, pour la première fois je le constatais. Je voyais agir la machine.

Et c’est là tout le travail de Vipassana : pour arriver à nous défaire de cette habitude que nous avons de réagir et de nous emporter, il faut d’abord commencer par nous en apercevoir. Et le reconnaitre honnêtement. Sans détour. Sans explication. Sans intervention de l’intellect.

C’est ainsi que j’ai réalisé que lorsque je m’emporte, que je dis quelque chose ou que je pose un geste que j’aurai à regretter par la suite, c’est sous le coup d’une impulsion que je n’ai pas vu venir. Une impulsion dont je n’ai pas eu conscience.

Vipassana — c’est-à-dire voir les choses comme elles sont réellement — nous permet de développer sensibilité et vigilance afin de voir naitre ces impulsions avant qu’elles prennent toute leur force et finissent par nous submerger et nous contrôler, nous faisant ainsi perdre l’équilibre de notre esprit.

Sans doute que, rendus ici, vous vous dites « C’est bien beau, mais qu’est-ce qu’on fait avec ça? »

La réponse? Rien.

Une des grandes forces de Vipassana est qu’il n’y a rien d’autre à faire que demeurer attentif à ce qui se passe. Juste observer. Agissant ainsi, l’impulsion ou l’intention disparaissent d’elles-mêmes. C’est un peu comme lorsqu’on entre dans une pièce sombre. Au moment où on allume, la noirceur disparait instantanément, sans délai. (La noirceur et la lumière ne peuvent pas coexister.)

Ne serait-ce pas merveilleux de ne pas avoir à faire autant d’efforts d’attention pour maitriser et contenir ces impulsions? De faire en sorte que les impulsions deviennent de moins en moins fréquentes et de plus en plus faibles? De nous défaire de l’emprise que ces impulsions ont sur nous? Et de pouvoir, quelles que sont les circonstances et en tout temps, conserver l’équilibre de notre esprit?

C’est cette faculté que Vipassana nous permet de développer, et c’est l’objet du prochain article.

Si vous pensez à quelqu'un à qui cet article pourrait être utile, partagez-le.

2 réflexions au sujet de “Je n’aurais pas dû (2)”

    • Merci, Lorraine. Ç’a été toute une révélation pour moi de découvrir que je n’étais pas conscient de ce que je faisais ou disais. Si nous pouvions tous être plus attentifs à ce que nous faisons, je pense qu’il n’y aurait plus de conflits entre nous.

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