« Vivre de manière paisible et harmonieuse est un art » (Dalaï-lama)
« Est-ce que ça vaut le coup, 5000 heures de méditation? » C’est d’un bon ami, il y a quelques semaines. « Est-ce que ça ne serait pas une sorte de dépendance? » qu’il me demandait aussi.
Ce n’est qu’à ma récente retraite Vipassana que j’ai trouvé la réponse à ces deux questions. Oui!
Oui, ces 5000 heures de méditation ont valu le coup, et oui, j’en dépends.
Les questions de mon ami étant légitimes, mes « Oui » exigent une explication.
Je pense que ce que des sages comme le dalaï-lama veulent dire par « Vivre de manière paisible et harmonieuse est un art » consiste à développer l’habileté de S’ABSTENIR de tout ce qui peut nuire à une vie paisible et harmonieuse.
Ça commence à me rentrer dans la tête que c’est à travers chacun de mes gestes, chacune de mes paroles et chacune de mes pensées que je « colore » ma vie. Que je lui donne une saveur. Et ça commence aussi à me rentrer dans la tête que lorsque se manifestent colère, amertume, stress ou anxiété, c’est que je ne suis pas attentif à l’expérience du moment. Ça m’a pris 5000 heures!
« Dur de comprenure », peut-être?
Eh ben oui : dur de comprenure. C’est ce que le Bouddha avait vu chez l’être humain. Et c’est pour ça qu’il avait compris qu’il ne sert à rien de nous le dire ou nous le redire, car ce qu’on entend nous rentre par une oreille pour éventuellement sortir par l’autre.
Il nous invite donc à en faire nous-mêmes l’expérience. De réaliser tout d’abord combien nous sommes « durs de comprenure », tellement attachés à notre façon de voir ou de faire.
Mais il ne nous a pas abandonnés là. Il nous a légué une méthode pratique pour développer cette habileté, cet « art du bonheur ». Pas facile, mais faisable.
Premièrement, comme pour un bon médecin, nous devons développer l’art du diagnostic. Ne pas craindre de regarder nos bibittes bien en face; et en comprendre la subtilité, la profondeur et l’étendue. En comprendre le mécanisme, afin de réaliser que la souffrance n’est pas un état, mais une activité.
(Et c’est au cours de ces 10 jours que j’ai vraiment réalisé combien j’avais développé l’habitude des négativités, générant de la contrariété au sujet de la moindre chose. Je n’avais jamais voulu le voir.)
Deuxièmement, toujours comme chez un bon médecin, il nous faut en comprendre la cause. En d’autres mots, découvrir ce qui me pousse à générer stress, contrariété, anxiété, colère, jalousie ou amertume.
Et c’est là qu’est la surprise!
En portant vraiment attention au processus, je COMMENCE à réaliser que la cause de tout conflit, de toute peine ou contrariété n’est jamais extérieure. Elle ne dépend ni des gens ni d’événements, furent-ils présents ou passés. Il me faut apprendre à faire la différence entre cause apparente et cause réelle. C’est ça qui est long.
Dur de comprenure, je vous l’ai dit. 🙂
Troisièmement — et c’est là la merveille de cet enseignement —, dès qu’on prend conscience de ce qu’on est en train de faire qui nous est nuisible (la cause), on s’en abstient. On y met fin.
(J’ai pu vérifier — et ce fut une découverte majeure — qu’à chaque fois que je portais vraiment attention à ce qui se passe d’instant en instant, et que j’en comprenais la véritable nature, j’y mettais fin. Pareil pour la douleur physique.)
Mais comment développer l’art du diagnostic, l’art de trouver la cause et l’art d’éliminer cette cause?
Le Bouddha nous a légué une démarche infaillible pour y arriver (c’est le quatrièmement). Une approche qui comprend huit facteurs indispensables… pas plus, pas moins[1].D’abord, il s’agit d’éviter toute action ou toute parole susceptible de troubler la paix et l’harmonie des autres.
Il nous faut aussi développer la maitrise de notre esprit, pour éviter de céder à la colère, au stress, à la frustration, à la tristesse ou à l’inquiétude. De plus, ces manifestations malsaines sont contagieuses, car, en plus de me sentir mal et agité, je « partage » avec ceux et celles qui sont en ma présence. Je les éclabousse. J’empoisonne l’atmosphère.
Enfin et surtout, déraciner les négativités dormantes qui se cachent dans les profondeurs de notre esprit et qui risquent de se réveiller à tout moment.
Les séances quotidiennes de méditation ne sont ni plus ni moins que de l’entrainement à la maitrise de l’esprit et à la DESTRUCTION des négativités cachées. Elles sont indispensables, car le vrai travail commence lorsque je me lève de mon coussin.
C’est le prix à payer pour « vivre de manière paisible et harmonieuse ». À quoi ça servirait de m’asseoir les jambes croisées, si c’est pour continuer de me mettre en colère ou dire du mal de quelqu’un?
À date, le Bouddha ne m’a pas trompé, et des résultats positifs se sont manifestés dès la première retraite, voilà huit ans. Je vais donc continuer de lui faire confiance. Si je veux vraiment me libérer de tous mes problèmes, de toutes mes « casseroles », je crois que Vipassana m’est indispensable. Je ne connais pas d’autre moyen d’y arriver.
J’y ai investi 5000 heures et chacune d’elles a produit des résultats bénéfiques. À raison de 2 heures par jour, pendant encore 15 ou 20 ans, qu’est-ce que ça va être?
- La parole juste
- L’action juste
- Le moyen de subsistance juste
- L’effort juste
- L’attention juste
- La concentration juste
- L’intention juste
- La compréhension juste
Dramatisation de la souffrance? Même si je crois avoir bien compris que le mot souffrance n’est certainement pas idoine (au point même de suggérer à l’auteur de bannir ce terme), cette mise en scène de l’inconfort qui lui est associé me semble exagérée.
Bien sûr, personne ne peut réellement se mettre dans la peau de celui qui en parle avec autant de passion.
Comme il s’agit d’un thème récurrent, du genre pari de Pascal (qui correspond à cet investissement dont il est fait mention dans le dernier texte), je crains que plusieurs des lecteurs se disent qu’il y a du prosélytisme derrière ce texte, que l’auteur souhaite de ses lecteurs qu’ils le suivent dans cette voie de la méditation. Je sais que cela est fait dans le but de faire partager cet équilibre et cette santé mentale que l’auteur est parvenu à acquérir par ce travail (car il s’agit bien d’un travail … de 5000 heures).
Si l’auteur a raison et que cette « souffrance » (les guillemets sont importants) est très répandue, n’est-on pas dans le prosélytisme? Quelle est la différence avec le pari de Pascal? gm
Merci de ce commentaire, Guy. Je crois que tu y dis ce que peut-être plusieurs lecteurs pensent sans oser l’exprimer. C’est très apprécié.
Mais comme tu y soulèves deux points importants, je pense que chacun mérite un article plutôt qu’une courte réponse.
Je te remercie donc de cette inspiration.
Pierre