Lorsqu’on voit clairement son propre conditionnement, on peut comprendre comment s’en libérer.
Dans l’article précédent, je faisais référence à une citation du Dalaï-Lama sur l’importance d’être bon (Plaidoyer pour les araignées).
Je ne pense pas me tromper en affirmant que tous les humains pourraient lui répondre en disant : « Je suis totalement d’accord avec vous, Votre Sainteté! Si tous les gens étaient bons, le monde irait tellement mieux. »
Je ne pense pas me tromper non plus en disant que, secrètement, la plupart d’entre nous pourraient poursuivre en disant : « Mais ce que vous dites ne s’applique pas à moi, car je suis déjà bon! »
Vipassana voulant dire « regarder avec les yeux ouverts », c’est grâce à cet entrainement que je commence à me voir plus objectivement, et ainsi me rendre compte que je ne suis pas aussi « bon » que je veux bien le croire. Et enfin commencer à me défaire de cette commode certitude que j’ai toujours entretenue à mon sujet.
Pour nous permettre de briser cette illusion, Vipassana nous aide à prendre conscience de toutes nos actions, pas seulement en surface, et pas seulement celles qui « font notre affaire », mais toutes. Chaque action, chaque parole et même chaque pensée sont soumises à l’impitoyable éclairage de la vérité. C’est ainsi qu’au cours de cette première retraite, j’ai vraiment réalisé jusqu’à quel point je suis rarement attentif à ce que je fais.
J’ai découvert, par exemple, combien je vaque à mes occupations en ayant l’esprit ailleurs ou combien, dans une conversation, « j’écoute » en pensant à autre chose. J’ai ainsi réalisé que pratiquement tout ce que je fais, je le fais, perdu dans mes pensées, dans mes souvenirs, dans mes rêves et dans mes peurs.
En apprenant à être attentif, je commence à voir des choses que je ne voyais pas avant; je découvre petit à petit ce qui m’était caché. (Ou que je ne voulais pas voir?)
Mais Vipassana n’étant pas seulement un entrainement à la conscience attentive, c’est surtout une méthode pratique pour arriver à voir les choses telles qu’elles sont réellement, au-delà des apparences. À m’observer ainsi, avec la distance de l’objectivité, ne me laissant pas submerger par les émotions, un certain détachement s’opère.
Maintenant, lorsque surgit une pensée malsaine, j’en prends note rapidement et je me dis, en riant : « Houlà! Y’a du travail à faire! » C’est très libérateur. C’est aussi devenu amusant.
J’ai ainsi compris que la tristesse, la colère, l’inquiétude ou la jalousie sont de simples phénomènes, des épisodes qui ont un début, une durée et une fin. Alors, pourquoi m’en faire pour quelque chose qui va passer de toute façon?
En réalisant que ces négativités sont des choses qui vont et qui viennent, et qui sont propres à tous les humains, j’ai moins d’hésitation à reconnaitre mon propre conditionnement, mes propres défauts. En voyant opérer ma propre mécanique interne, je puis enfin la comprendre et ainsi travailler à m’en libérer.
En restant objectif, détaché face à ces impuretés qui se manifestent, et en m’abstenant d’y céder, c’est plus facile d’aller regarder. Cette habileté qui s’installe m’incite à creuser encore plus, sachant que prendre conscience de toutes les négativités et en comprendre la nature sont les deux parties de l’arme absolue pour les déraciner, les détruire.
Ce sont de merveilleux outils que nous a laissés le Bouddha : en même temps que je développe la faculté de prendre conscience de mes propres actions, j’augmente ma capacité à les filtrer, à ne laisser passer que celles qui ne sont pas malsaines, pour mon bien comme pour celui des autres.
Ainsi, lorsque la « cage à hamster » se met à tourner et que je génère de l’aversion, de l’anxiété, du stress ou de la jalousie, je m’en aperçois plus tôt et j’en sors plus facilement et rapidement.
J’en bénéficie, et, je crois, les autres également. Et les autres, ça comprend tous les êtres vivants… et les araignées aussi ?